M. Fauriel a terminé à la faculté des lettres son histoire de la littérature provençale. Il avait consacré l'enseignement de l'année dernière aux origines de la langue et de la littérature romanes et à la poésie lyrique des troubadours ; il a abordé l'hiver dernier l'étude entièrement neuve de l'épopée provençale. La nature de son sujet l'a conduit à traiter l'importante question de l'origine de la poésie chevaleresque, qui au moyen âge a été la poésie de toute l'Europe. En effet elle a produit les innombrables romans en vers de nos trouvères français, des ménestrels de l'Angleterre, des minnesingers de l'Allemagne ; dans le nord, ayant pénétré de bonne heure jusqu'en Danemark et en Islande, elle y a remplacé en partie les anciennes traditions nationales, tandis qu'au midi elle développait la romance espagnole, et déposait en Italie le germe de ce qui est devenu l'ingénieuse épopée de l'Arioste ; or, cette poésie aux ramifications nombreuses, où a-t-elle sa racine ?
Ce problème, dont la solution est l'indispensable point de départ de toute histoire de littérature moderne, ce problème est celui que M. Fauriel s'est proposé de résoudre ; et, autant qu'il nous semble, il a pleinement réussi. Il lui a fallu d'abord retrouver dans la littérature provençale l'épopée qu'on y soupçonnait à peine, et qu'on avait été jusqu'à y méconnaître entièrement. Puis, s'attachant aux principales classes de romans chevaleresques, les romans carlovingiens et ceux de la Table ronde, il a montré que les uns et les autres avaient une origine méridionale, et qu'en remontant à leurs sources, on arrivait à des sources provençales. A cette occasion il a donné des analyses et des traductions des principaux poèmes chevaleresques dont plusieurs étaient inconnus. Tel a été l'objet des leçons dont il nous a permis de communiquer une partie à nos lecteurs dans l'état où elles ont été prononcées. L'intention de M. Fauriel, en nous y autorisant, a été d'appeler la discussion sur les résultats de ses recherches, se réservant d'y revenir et de les présenter sous une autre forme dans un ouvrage considérable dont ils feront partie.