La poésie accomplit actuellement une évolution fort intéressante. D'une part, voici le groupe des poètes immuablement attachés aux règles classiques et parnassiennes ; d'autre part, voici les novateurs qui, avec M. Adolphe Boschot, réclament quelques adoucissements à la sévère intransigeance des règles prosodiques ; enfin, voici les partisans du vers libre qui, avec MM. Kahn et Vielé-Griffin, parmi bien d'autres, demandent l'entier rejet de règles imposant aux vers un nombre déterminé de pieds.
À vrai dire, ces divergences ne sont pas nouvelles. Il y eut de tout temps, en matière poétique, les novateurs et les conservateurs, les anciens et les modernes. Dans la Vraie Histoire comique de Francion, composée par Charles Sorel, sieur de Souvigny, vers 1622, on trouve ce passage caractérisant la lutte de Malherbe contre Ronsard et son école :
« Un poète récita de ses vers et je pris beaucoup de plaisir à voir sa contenance Or, les poètes présents émirent de grosses disputes pour beaucoup de choses de néant où ils s'attachoient et laissoient en arrière celles d'importance. Leurs contentions étoient s'il falloit dire : il eût été mieux ou il eût mieux été ; de scavants hommes ou les scavants hommes ; s'il falloit mettre en rime main avec chemin (déjà !), saint Cosme avec royaume, traits avec le mot près. Et cependant ceux qui soutenoient que c'étoient autant de fautes, en faisoient de bien moins supportables, car ils faisoient rimer périssable avec fable, étoffer avec enfer. Toutes leurs opinions étoient puisées de la boutique de quelque rêveur qu'ils suivoient en tout et partout Ils vinrent à dire beaucoup de mots anciens, qui leur sembloient fort bons et très utiles en notre langue et dont ils n'osoient pourtant se servir, parce que l'un d'entre eux[1] qui étoit leur coryphée, en avoit défendu l'usage