C'était au premier jour de février 1866, si je me rappelle bien. Nous étions de passage à Monterey, venant de Matamoros, et en route pour rejoindre la division Douay, qui était campée sous les murs de San Luis Potosi.
Notre escadron escortait un convoi de vivres. Comme les muletiers mexicains ne sont jamais pressés, et que le train n'avançait pas vite, j'avais demandé et obtenu la permission de devancer le détachement d'un jour ; et je me trouvais à Monterey, vingt-quatre heures avant mes camarades.
Puisque j'ai tant fait de vous dire que je tenais à passer un jour à Monterey, autant vaut compléter tout de suite ma confidence, et vous avouer que les yeux noirs d'une señorita étaient pour beaucoup dans cette décision prise à la hâte.
J'étais maréchal des logis chef de mon escadron, et je n'aurais voulu, pour rien au monde, manquer l'occasion de donner un coup de sabre qui aurait pu me valoir la contre-épaulette de sous-lieutenant, alors l'objet de tous mes rêves.
J'arrivai donc au galop en vue de la Silla, et, un quart d'heure plus tard, j'apprenais que l'objet de ma course au clocher était depuis quelques jours chez une de ses parentes, à Salinas.
Jugez de mon désespoir.
Que faire ?
Je tenais à voir Anita, et Salinas était à une distance de dix bonnes lieues de Monterey. Je n'avais que vingt-quatre heures d'avance sur la colonne, et il m'était tout à fait impossible de penser à faire trente lieues en un jour sur mon cheval qui était déjà fatigué, et de pouvoir reprendre ensuite la route avec mes compagnons d'armes.