Extrait: MON COLONEL,
C'est à vous que je dédie ces pages destinées à mettre en relief et à conserver à l'histoire de notre pays les faits d'armes, les traits de courage et de dévouement, les généreuses actions de cette intrépide garde républicaine dont vous êtes l'un des plus dignes chefs, et qui, elle aussi, a bien mérité de la patrie.
On a exalté avec raison la belle conduite de l'armée et de la garde nationale pendant ces lugubres journées de juin, plus fatales à la France que les plus sanglantes batailles de l'Empire. Moi-même un des premiers, j'ai réuni en faisceaux les brillants faits d'armes de cette jeune garde mobile qui entrait magnifiquement dans la carrière où vos soldats, leurs aînés en gloire, devaient leur servir de parrains.
On a trop oublié la garde républicaine ; on ne lui a pas rendu la justice qu'elle méritait ; on n'a pas assez reconnu les services immenses qu'elle a rendus au pays ; on n'a pas tenu compte des trouées que la balle de l'insurrection a faites dans ses rangs ; on n'a pas inscrit au long martyrologe de la patrie en deuil le nom de ses héros et de ses victimes ; on n'a pas dit ce qu'elle a versé de sang et laissé de cadavres dans les débris fumants des barricades ; on n'a pas dit ce qu'il lui a fallu de courage et de dévouement, d'abnégation et de fidélité au drapeau, non pour mourir, mais pour combattre et pour vaincre des hommes égarés qui lui disaient : Frères.
Comme aux jours antiques des grands sacrifices, la garde républicaine s'est immolée elle-même sur l'autel de la patrie.
Vous le savez, vous, mon colonel, car vous étiez avec elle au premier rang, haut et debout dans votre vertu militaire, sous les feux croisés de l'insurrection, comme ces intrépides chevaliers bretons vos ancêtres qui vivaient et mouraient tout d'une pièce dans leurs armures d'acier, sans tache au blason et sans forfaiture au cœur.