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Extrait:
PAR le vitrage du haut atelier, un clair rayon déjà tiède du soleil d'avril caressait un corps de femme demi-nue, couchée sur une peau de tigre, les bras repliés derrière la tête, les mains perdues dans l'or fauve des cheveux.
C'était un parti pris chez Jacques Roland de ne peindre qu'avec le soleil éclairant crûment ses modèles. Aussi s'était-il fait bâtir, vers les sommets du quartier de l'Europe, un atelier franchement exposé au sud-ouest, donnant sur un grand jardin, où la lumière pénétrait librement à partir de dix heures du matin.
Le modèle tournait le dos à la clarté. La chevelure projetait sur le front une ombre chaude, qui faisait ressortir les grands yeux, vert d'océan, noyés dans un rêve alangui, tandis que les lèvres écarlates s'entr'ouvraient avec une volupté souriante. Le buste, émergeant d'une draperie fauve, qui rappelait le ton des cheveux, arborait une poitrine ferme et provocante, où la pureté de lignes de la statuaire antique semblait relevée de je ne sais quelle capricieuse et moderne ironie.
Jacques Roland, penché depuis deux heures sur son chevalet, fit deux pas en arrière et déposa sa palette sur un bahut de chêne sculpté, satisfait de son œuvre déjà avancée. Puis ses yeux s'arrêtèrent sur son modèle, immobile dans sa pose extatique et lassée.
Suzanne était étrangement belle ainsi.
Jacques s'approcha d'elle doucement, sans qu'elle s'en aperçût, et l'embrassa sur les yeux.
Suzanne parut s'éveiller en sursaut d'un songe lointain :
Que vous êtes enfant ! dit-elle, jetant un regard cruel sur les tempes grisonnantes de l'artiste.
Tel était l'aspect que présentait ce jour-là l