Canalisée, maîtrisée, distribuée, leau nous apparaît désormais ordinaire, à portée de robinet. Quant à ces temps où chaque source, chaque rivière étaient habitées par une nymphe, nous les avons oubliés. Nous ne vivons plus leau, nous lutilisons. Un simple flux à gérer. Et pourtant, on parle de stress hydrique, de désertification galopante, dépuisement des nappes phréatiques : nous savons aussi quelle commence à manquer, quelle est précieuse. Comment est-on parvenu à cette situation paradoxale ? Du philosophe grec Thalès de Milet qui, affirmant que « tout est eau », faisait delle le principe de toute chose, au chimiste Lavoisier qui, au XVIIIe siècle, la désenchantera pour y découvrir un composé chimique, et au moment écologique contemporain, toute une histoire se déploie. Cest ce récit complexe, et les différentes conceptions quil porte, que le philosophe Jean-Philippe Pierron nous raconte ici. Alors que le soin écologique relève aujourdhui dune urgence, ce geste poétique vaut engagement. Car pour changer les pratiques, ne nous faut-il pas dépasser le simple utilitarisme et produire un nouvel imaginaire ? Et si cela commençait par rêver leau ?