EXTRAIT; Aux yeux de beaucoup d'esprits, qui traînent des convictions comme de vieilles habitudes, la Sorbonne reste une des gloires de la France. C'est un fétichisme qui me surprend, car ma mémoire ne garde de mes passages dans cette maison-mère de l'Université, que des images sans aucun sérieux.
Du lycée où l'on m'instruisit, c'est-à-dire où je transcrivais sur des cahiers ce qui était imprimé dans mes livres, on m'expédia pour la première fois à la Sorbonne vers mes quinze ans, afin que je prisse part à ce qu'on appelait pompeusement le Concours Général. J'en revois tous les détails avec l'exactitude qu'ont les souvenirs de nos grands étonnements. Rendez-vous à sept heures du matin, rue Saint-Jacques, devant la Tour universitaire qui ressemble à celle de la gare du P.-L.-M. Là s'assemblaient les meilleurs élèves des meilleurs lycées. Ils parlaient fort, brandissaient des dictionnaires importants ; ils me choquaient tous par leurs échanges de vanités ; et je me trouvais soudain une sympathie secrète pour les cancres, si modestes.
Puis, sur le seuil de la Faculté paraissait le groupe de nos censeurs. Chacun de nous, à l'appel de son nom, passait devant le sien, qui lui remettait un droit d'entrée d'un geste si digne que, pour ma part, j'en restais stupide et le cœur battant. Je montais avec peine les six étages menant à la salle du Concours Ouf ! On atteignait les combles ! Là, des maîtres nous désignaient gravement une table. Nous étalions nos papiers ; nous sortions un déjeuner froid, car l'épreuve devait durer jusqu'au milieu de l'après-midi Silence Trois coups de règle Et un Monsieur, toujours vieux et toujours triste, décachetait un vaste pli, duquel, solennellement, il tirait non pas un ordre de mobilisation générale, mais une simple et ridicule version latine, revue par l'Académie de Paris, complètement indéchiffrable, ou encore quelque plaisanterie historique, anatomique, philosophique, de ce genre-ci : Le règne de Marie Stuart. La Vessie. Des particularités de l'idée générale. Ceci énoncé, commençait le temps douloureux, quatre, six, huit heures, de bâillements, de langueur, d'ennui mortel et de jalousie à voir des pions qui ne faisaient que se promener et lire sur nos épaules avec des moues avantageuses.
La farce de la Sorbonne
I OÙ L'AUTEUR, ENCORE À L'ÂGE INNOCENT, RENCONTRE POUR LA PREMIÈRE FOIS DES SAVANTS À CHAPEAUX POINTUS
II MONSIEUR AULARD OU LA RÉVOLUTION LAÏQUE
III MONSIEUR SEIGNOBOS OU LA SCIENCE DE L'HOMME
IV MONSIEUR VICTOR BASCH OU L'ESTHÉTIQUE EN ACTION
V LE GRAND BANQUET DÉMOCRATIQUE DU 13 AVRIL
VI SECONDE ENTRÉE DE BALLET : MESSIEURS PUECH ET MARTHA DANS LEURS LANGUES MORTES
VII MONSIEUR GUSTAVE MICHAUT, COMMIS AUX FICHES
VIII OÙ L'AUTEUR, APRÈS AVOIR TRIOMPHÉ DE TOUTES LES OBJECTIONS, TIRE AVEC RESPECT SA RÉVÉRENCE AU LECTEUR