Qu'est-ce que savoir ? À cette question posée par Socrate à un jeune mathématicien prometteur, le Théétète ne semble offrir que réponses négatives et impasses. Ni la perception, ni l'opinion vraie, ni même l'opinion vraie accompagnée d'une raison ou d'une justification ne semblent pouvoir se mesurer à l'exigence contenue dans ce que Platon appelle « savoir ». Comme les Dialogues dits « socratiques » le Théétète s'achève donc sur une aporie, mais il est le premier moment d'une trilogie dont les deux autres volets (le Sophiste et le Politique) déploieront le savoir sûr de lui-même d'un étranger venu d'Élée devant un Socrate au silence assourdissant. Les études figurant dans ce volume examinent dans une première partie chacune des trois réponses proposées successivement. Les méandres que Socrate est contraint de parcourir pour réussir à les réfuter appellent des lectures raffinées, et divergentes : on ne peut commenter « objectivement » le Théétète, il force son lecteur à réfléchir et à prendre parti, il « l'accouche » comme Socrate accouche le jeune Théétète. Une seconde partie s'attache ensuite à la manière dont le Théétète a été lu et utilisé dans l'Antiquité et au-delà (jusqu'à Montaigne). Il apparaît que les questions soulevées dans la première, à propos notamment de la structure aporétique du Dialogue, de la théorie de la perception, du statut du monde sensible, de la possibilité de l'erreur, sont celles-là même qui continuent à préoccuper les interprètes ultérieurs. En retraçant les grands moments de la réception du Théétète, de ses premiers lecteurs académiciens à Plotin en passant par le commentateur médio-platonicien ou encore par Thrasylle, les contributions rassemblées démontrent que l'héritage du Théétète est aussi riche que complexe, et en particulier que ce Dialogue joue un rôle prépondérant dans les débats violents qui ont opposé les platoniciens aux stoiciens - en qui il faut reconnaître les dignes héritiers des initiés du Théétète et des Fils de la Terre du Sophiste.