Minuit J'ai laissé la lampe veiller près de moi. Elle éclaire timidement, de sa lueur pâle, ma petite chambre de clinique claire et nue comme une âme vide.
J'avais peur de l'ombre tantôt Il me semblait que c'était celle de mes yeux qui accourait déjà et j'ai voulu la chasser à tout prix, la prier de s'attarder encore Maintenant que tout se dresse, se détache dans le rayon de la flamme, que mes regards vont dans le jour, qu'ils comprennent les couleurs et les formes, je m'illusionne à nouveau, croyant à d'autres chimères, à des mieux d'hallucination Pourtant, il n'y a rien à faire Au fond, je sens que la mort de la lumière approche, que c'est une affaire de mois, de jours peut-être.
Je vis lentement l'heure de ma lente agonie Comme les moribonds, j'ai des instants de force sublime ; mes yeux voient des loins infranchissables, fouillent dans l'inconnu jusqu'à des pensées ; puis, tout à coup, revient le trouble qui me chavire, qui m'abat, qui me tue et me donne à pleurer Le docteur Bornant a essayé de tout, mais ma chair n'a pas travaillé Il est venu, ce soir, de son même pas lourd et méthodique, avec sa tête de lion, son air de bonté, frapper à ma porte et j'ai compris que sa visite m'apporterait plus de consolation que de vie.