Le marché, ce jour-là, était absolument encombré. C'était la mi-septembre, cette saison exquise de la richesse des vergers et des jardins ; les cultivateurs, en grand nombre étaient venus vendre leurs denrées à la ville, leurs voitures chargées de légumes superbes, de fruits appétissants, de gerbes de dahlias, de glaïeuls et d'autres fleurs tardives de fin d'été.
Autour des halles, les comptoirs des vendeurs étalaient l'un du beurre, un autre du miel clair et doré ou en rayons de cire blonde, un troisième des pommes, des cerises, des pommettes, et ainsi de suite sur toute la longueur du marché.
La foule matinale, mouvante et affairée, allait de voiture en voiture, de stalle en stalle, marchandant, discutant, admirant ou grommelant.
« Paniers, madame ? » fit une jeune voix interpellant une passante, « voyez, j'en ai de tous genres, des grands, des petits, des moyens regardez, ils sont jolis, pas chers ! »
Celui qui offrait ainsi sa marchandise, était un gamin d'une dizaine d'années, marchant à l'aide d'une béquille ; c'était un petit brun, à la figure pâle, aux yeux vifs et intelligents ; ses cheveux trop longs bouclaient sous la mauvaise casquette qui le coiffait ; il semblait très actif, vendait bien ses paniers et remettait la monnaie sans se tromper. Ce gamin était une figure familière sur le marché ; déjà, plus jeune, il y venait avec sa grand'mère, puis, on le vit faire seul, son petit commerce et on apprit que l'aïeule, devenue paralytique, ne reparaîtrait plus jamais à son modeste comptoir.
Dans la foule des acheteurs, une femme, portant un panier au bras et une sacoche à la main, passa près du jeune vendeur quelques pas plus loin, la sacoche tomba Le boiteux jeta un cri :
Hé ! Madame !
Elle continua son chemin sans se retourner, mais un homme apercevant la bourse, la ramassa vivement et la glissa dans sa poche.