Le 2 août 1844, les abords de la chambre correctionnelle au palais de justice de Paris présentaient un aspect inaccoutumé. Il ne s'agissait cependant que d'un délit fort ordinaire, un délit de presse, une diffamation. La diffamation est le côté faible du journalisme. En matière de diffamation, la PREUVE n'est pas admise. Un homme volé peut crier au voleur ! il n'a pas le droit de l'écrire, et c'est là une tentation à laquelle il est bien difficile de résister. Toutefois, ce n'est pas d'un délit de ce genre que le tribunal avait à connaître. Il ne s'agissait que d'attaques violentes et acharnées contre une cantatrice des Italiens, Martha Ferrani. La curiosité du public tenait donc à des causes étrangères à l'affaire elle-même.
Le personnage qui allait s'asseoir au pied du tribunal, Jacques Lefèvre, avait conquis une certaine notoriété dans la publicité parisienne, et, comme tous les gens qui cherchent à graver leur nom dans l'esprit de la foule, il ne manquait ni d'envieux apparents, ni d'ennemis cachés. Des bruits fâcheux avaient couru sur son compte ; quelle part fallait-il faire à la calomnie ? on allait enfin le savoir. Ce procès, insignifiant dans le fond, pouvait être une exécution complète et inexorable.