Extrait: C'était la veille de Noël ; jamais la petite chapelle de l'un des couvents du faubourg Saint-Germain n'avait été plus ornée, plus coquette, plus parfumée d'encens. Devant la crèche, qui brillait de mille feux, se tenaient à genoux, sur deux rangs, dix-huit jeunes filles, lesquelles paraissaient plongées dans un profond recueillement. C'étaient les élèves qui devaient quitter le pensionnat dans l'année et qui avaient obtenu la faveur de consoler une heure durant l'Enfant Jésus.
La crèche ne laissait rien à désirer ; nous vivons dans un temps où l'on perfectionne tout, les lycées et les couvents, les poupées et les illuminations. Le divin Enfant, gras, potelé, était en belle cire, et il dormait sur de la paille qui était de vraie paille. Sa mère, vêtue d'une robe blanche et parée d'une admirable ceinture bleu de ciel, dont les bouts flottaient, se penchait sur lui pour le regarder souffler. Saint Joseph, appuyé sur son bâton, contemplait ce mystère d'un air pensif et mélancolique. Trois vaches attachées à leur râtelier, retournant la tète avec effort, fixaient sur le nouveau-né des yeux béants et dévots. On apercevait sous une charmille une bergère qui accourait en hâte, chargée de provisions, de vrai lait, de vrai beurre, de vrais œufs. A droite, dans une verte prairie, on voyait s'acheminer un troupeau, que précédaient ses chiens et ses bergers ; un ange, suspendu par un fil d'archal, leur montrait du doigt l'étable et semblait leur dire : « Je vous annonce un grand sujet de joie. » Dans le fond étincelait une petite étoile, et majestueusement s'avançaient les trois rois mages, habillés de brocart, couronne en tête. Quoiqu'ils vinssent de loin, ils n'étaient point las ; on ne l'est jamais quand on apporte au Dieu fait chair de l'or, des pierreries et de la myrrhe.