Fascinée par le spectacle de l'Angleterre de la première révolution industrielle, que résume la capitale britannique, Londres « la ville monstre », foyer du capitalisme et du paupérisme, Flora Tristan en a donné dans ses Promenades dans Londres (première édition en 1840, revue en 1842) un tableau puissamment évocateur. Mais, en même temps, elle porte son regard sur le monde des marginaux et des exclus : délinquants, malades mentaux, prostituées, ce qui nous vaut des chapitres foisonnant de vie sur les prisons, les asiles, les maisons de plaisir, les taudis. Bref, un livre étonnamment moderne et proche en dépit du décalage chronologique. Grâce à cette édition, présentée et commentée par François Bédarida, auteur de L'Angleterre triomphante 1832-1914 (1974), L'Ère victorienne (1974), La Société anglaise 1851-1975 (1976), Churchill (1999), une œuvre majeure de Flora Tristan se trouve à nouveau accessible, et le lecteur pourra en apprécier aussi bien la valeur de description du premier capitalisme industriel que le frémissement militant au service de l'émancipation des prolétaires et des femmes.
"Quatre fois j'ai visité l'Angleterre, toujours dans le but d'étudier ses mœurs et son esprit. En 1826, je la trouvai très riche. En 1831, elle l'était beaucoup moins, et de plus je la vis très inquiète. En 1835, la gêne commençait à se faire sentir dans la classe moyenne aussi bien que parmi les ouvriers. En 1839, je rencontrai à Londres une misère profonde dans le peuple ; l'irritation était extrême, le mécontentement général..."