Pendant toute la première moitié de ce siècle, l'Allemagne a porté dans les arts une activité, une ardeur singulières. Deux villes, Munich et Düsseldorf, donnaient leur nom à deux grandes écoles, et la première surtout avait le privilège d'exciter l'enthousiasme des voyageurs : on parlait de vingt monumens qui s'achevaient à la fois, de musées magnifiques qui réunissaient tout à coup des chefs-d'œuvre jusque-là inconnus ou dispersés. Dévoré de l'amour, quelques-uns ont dit de la manie des beaux-arts, le roi Louis avait rêvé de faire de sa capitale une des villes les plus monumentales du monde ; lui-même dirigeait les travaux, visitant les ateliers et tirant, par des prodiges d'économie, d'une liste civile de quelques millions des ressources inimaginables. Dans ce mouvement, l'architecture était de tous les arts celui qui se trouvait appelé à prendre le plus vigoureux essor, et en effet, si féconde, si brillante que fût l'école de peinture qui se développa en même temps à Munich, elle a toujours, eu pour caractère d'être presque exclusivement monumentale.
À Düsseldorf, les circonstances étaient bien différentes. L'art qui jetait un si vif éclat à Munich s'était épanoui principalement sous l'influence des encouragemens officiels ; mais Düsseldorf, qui n'est ni un centre politique, ni un centre intellectuel, pas même un centre commercial, ne semblait, à aucun titre, prédestinée à devenir une capitale du goût. C'est une ville aux mœurs paisibles et régulières, qu'encadre un paysage aussi monotone que la vie qu'on y mène ; le talent n'a pu y trouver d'excitation qu'en lui-même, et tout doit y être rapporté à l'initiative des individus. Aussi entre les productions de cette école et celles des artistes bavarois remarque-t-on une différence bien tranchée : les travaux de Düsseldorf restent complètement indépendans de l'architecture ; plus libres dans leurs tendances, les artistes de cette ville ont su se garantir des exagérations symboliques ou allégoriques auxquelles la peinture monumentale se laisse si facilement entraîner.