Goguenard, cambré, à tous crins, ce Théophile Gautier est celui des Jeunes-France, de Mademoiselle de Maupin, de la Comédie de la mort ; si différent du Gautier impérial, aux paupières gonflées, à la chevelure affaissée, à la démarche lente, que notre génération a connu et que MM. Bracquemond et Jacquemart ont gravé.
Il est réduit d'un portrait-charge lithographié par Benjamin Roubaud, de la série du Panthéon charivarique, publié en 1838, avec cette légende :
Théophile Gauthier (sic) est de ce poil énorme
Né coiffé Quel toupet ! Puisqu'il n'est amoureux
Systématiquement que de la belle forme,
Il devrait bien changer celle de ses cheveux.
Ce méchant quatrain pourrait être remplacé par les vers superbes du Château du souvenir, dans Émaux et camées :
Terreur du bourgeois glabre et chauve,
Une chevelure à tous crins
De roi franc ou de lion fauve
Roule en torrent jusqu'à ses reins.
Tel, romantique opiniâtre,
Soldat de l'art qui lutte encor,
Il se ruait vers le théâtre,
Quand d'Hernani sonnait le cor.
AUTOBIOGRAPHIE
Au premier coup d'œil, cela semble bien simple de rédiger des notes sur sa propre vie. On est, on le croit du moins, à la source des renseignements, et l'on serait mal venu ensuite à se plaindre de l'inexactitude des biographes. « Connais-toi toi-même » est un bon conseil philosophique, mais plus difficile à suivre qu'on ne pense, et je découvre à mon embarras que je ne suis pas aussi bien informé sur mon propre compte que je me l'imaginais. Le visage qu'on regarde le moins est son visage à soi. Mais enfin, j'ai promis, il faut que je m'exécute.
Diverses notices me font naître à Tarbes, le 31 août 1808. Cela n'a rien d'important, mais la vérité est que je suis venu dans ce monde où je devais tant faire de copie, le 31 août 1811, ce qui me donne un âge encore assez respectable pour m'en contenter. On a dit aussi que j'avais commencé mes études en cette ville et que j'étais entré, en 1822, pour les finir, au collége Charlemagne. Les études que j'ai pu faire à Tarbes se bornent à peu de chose, car j'avais trois ans quand mes parents m'emmenèrent à Paris à mon grand regret, et je ne suis retourné à mon lieu de naissance qu'une seule fois pour y passer vingt-quatre heures, il y a six ou sept ans.