Semelion

Semelion est un jeune voyageur qui a la faculté de changer de sexe à sa volonté. Tour à tour fille ou garçon, il s'introduit dans les couvents ; jette le désordre dans les harems de Constantinople, et, passant en Angleterre, couche même avec la reine Elisabeth.

LES deux premières parties de ce Roman parurent, pour la première fois, en 1700. Elles furent réimprimées en 1715, 1716, 1733. Cependant elles étaient devenues fort rares. L'auteur est inconnu ; celui de la troisième et de la quatrième est le Marquis de Belle-Isle (Foucquet). Elles étaient restées manuscrites dans le portefeuille de quelques curieux ; et, en les publiant, nous avons cru faire plaisir aux amateurs de ces sortes de lectures. Le style des deux premières parties est négligé ; celui des deux autres est plus soigné ; l'on y reconnaît le ton d'un homme de Cour. Ce Roman est une débauche d'esprit ; mais il en suppose beaucoup dans les deux Auteurs. L'abbé Lenglet du Fresnoy, qui ne connaissait pourtant que la partie déjà imprimée, avait écrit sur la marge de l'exemplaire qu'il préparait pour une nouvelle édition de sa BIBLIOTHÈQUE DES ROMANS : Curieux et assez bien écrit, il se fait toujours rechercher et lire.

PREMIÈRE PARTIE.

QUAND l'Amour veut s'assujettir un tendre cœur et le soumettre à son empire, il sait bien l'aller chercher sous le carquois, et l'arracher des bras, même de la gloire. Ce petit dieu, tout aveugle qu'il est, ne laisse pas de viser si juste, qu'il ne manque jamais son coup ; et le cœur sur lequel il a dessein se laisse vaincre si facilement, qu'il semble être ravi de rendre les armes, quelques protestations qu'il puisse avoir faites de se couvrir le front de laurier, et d'immortaliser son nom par mille beaux exploits. Cette ardeur généreuse, qui l'emportait au travers des périls dans le chemin de l'honneur, se ralentit tout-à-coup, et ne lui laisse d'autre ambition que celle de cueillir des palmes et de passer ses plus beaux jours entre les bras de sa maîtresse.

Dans le temps qu'Henri de Bourbon, roi de Navarre, surnommé le Grand, succéda au royaume de France à Henri de Vallois, presque toutes les provinces et généralement toutes les grandes villes de cette vaste monarchie avaient les armes à la main pour l'éloigner de la couronne. Il n'y avait que le parti religionnaire, dont ce prince avait été chef, du vivant de son prédécesseur, et qu'il avait tout récemment fait triompher à la fameuse journée de Coutras qui soutint avec sa petite province du Béarn, seule pièce qui restait au roi de son royaume de Navarre, que le roi d'Espagne avait envahi sur son bisaieul ses justes et légitimes prétentions.

Ce prince se trouvait avec un petit corps de troupes au camp devant Paris, que son prédécesseur assiégeait pour châtier cette superbe capitale de ses Etats, qui l'avait obligé d'en sortir, et d'aller chercher sa sûreté autre part contre l'attentat de ces révoltés, qui étaient soutenus par les princes de la Maison de Guise, avec lesquels s'étaient ligués les trois quarts du royaume, le roi d'Espagne et le souverain pontife, qui assistaient les rebelles de toutes leurs forces, quand Henri de Vallois fut cruellement assassiné par un monstre infernal, revêtu de l'habit de moine. Alors toute l'armée, à la réserve de quelques seigneurs, abandonna le nouveau roi, et se joignit aux révoltés.

La Renommée, avec sa vitesse ordinaire, ayant porté cette nouvelle au pied des Pyrénées, toute la noblesse Béarnoise monta à cheval pour accourir au secours de son prince ; et ceux à qui le grand âge ne permit pas de s'acquitter de ce devoir, envoyèrent leurs enfans. De ceux-ci fut le baron d'Arros, officier de mérite, et qui avait, comme l'on dit, vieilli sous le harnois. Il était âgé de soixante-dix ans, criblé, si je l'ose ainsi dire, d'une infinité de coups qu'il avait reçus dans les siéges et combats, et qui ne voyait presque plus. De seize fils que ce vénérable vieillard s'était vus, il ne lu

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