Alors que Freud déclare à son ami Romain Rolland qu'il va écrire une série de textes sur Moise, celui-ci l'invite à lire le Traité des autorités théologiques et politiques. Freud, proche de ses quatre-vingts ans, n'a jamais lu Spinoza, qu'il admire de loin. Il s'y met et y trouve l'élan pour "profaner" rendre profane la figure de Moise. Spinoza, ce juif renégat, le fascine bientôt. Le désir de savoir ce qu'il aurait pensé de son Moise le décide à lui écrire, à deux cent soixante ans de distance. Spinoza, surpris, ravi, lui répond. Commence un échange de seize lettres, dont l'intensité, l'intimité, la variété et la nouveauté vont crescendo. Chacun d'eux a enfin trouvé un interlocuteur en dépit et à cause de fortes divergences (la primauté du narcissisme, l'extension du complexe d'Œdipe, les va-et-vient entre conscient et inconscient, etc.). Ils se rejoignent sur l'essentiel : il n'existe aucune autorité supérieure à la Nature. Il n'existe aucun Père de l'humanité, excepté ceux qu'elle se donne à elle-même. Il n'existe aucun mystère, mais des énigmes, à résoudre par les moyens de la Raison. Les deux hommes se savent près de la mort : ils sont exigeants, se font confiance, parlent de ce qui importe. La connaissance, le salut par la Raison ou par la religion, le sort des juifs, la psychothérapie, leur histoire de famille, la place des femmes : autant de questions qui se répondent et se taisent, pour le plaisir du lecteur, véritable destinataire de ces lettres.