Cette première scène se passait au Théâtre-Italien, vers la fin de l'hiver de 1850.
Deux jeunes gens placés aux stalles d'orchestre, après avoir promené leurs lorgnettes sur toute la salle, les arrêtèrent dans la direction d'une loge d'avant-scène.
Voilà le comte de Montbarrey et la marquise de Germigney, dit l'un d'eux.
C'est étonnant, répondit l'autre ; je croyais la comtesse de Montbarrey assez gravement malade.
Non pas gravement malade, mais maladive, et de plus très jalouse : deux raisons pour que son mari soit au spectacle en plus agréable compagnie.
La marquise n'est-elle pas l'amie intime de la comtesse ?
Et du comte, à ce qu'il paraît.
Cela ne peut être. M. de Montbarrey n'est plus jeune, et je le trouve d'une laideur peu compromettante.
C'est vrai ; mais il passe pour un homme à grandes passions. Ainsi, gare à cette vertu superbe !
La vertu de la marquise est-elle donc sans ombres ?
Les avis sont partagés, mais à tort. La marquise n'a pas même un cœur de glace, car la glace fond.
Auriez-vous donc éprouvé ses rigueurs polaires ?
Non, mais un de mes amis en était devenu amoureux fou, et ses folies n'ont abouti qu'à mettre la marquise à la mode et à lui donner une réputation de beauté que, à mon avis, elle est loin de mériter.
Elle me semble pourtant fort belle.
Moi je lui trouve une figure insignifiante, et j'apprécie peu ses cheveux rouges.
Elle a de l'élégance et de la distinction.
Alors, mon cher, comme elle n'a encore fait aucun choix parmi ses nombreux adorateurs, vous pouvez vous mettre sur les rangs. C'est un brillant parti ; le marquis de Germigney lui a laissé deux cent mille livres de rente.