Une histoire critique de la sociologie allemande ? Autant dire une histoire qui touche au cœur théorique de la sociologie mondiale, et qui concerne au plus haut point, également, la philosophie du XXe siècle. Le coup de génie de F. Vandenberghe est de montrer comment, des théories et des questionnements en apparence disparates, s'organisent en fait, depuis Hegel, à partir d'une même réflexion critique sur la réification, ou encore la chosification (Verdinglichung), que la modernité est censée faire subir aux individus. C'est sur le terrain de cette thématique centrale que naissent et s'entrecroisent, indissociablement, théories scientifiques, dénonciations apocalyptiques et épistémologies profondes. Car, paradoxalement, ne faut-il pas que l'individu soit réifié, écrasé par une société objectivée, pour qu'individu et société puissent devenir objets d'une science objective ? D'où le tragique d'une pensée allemande déchirée entre son aspiration à une liberté individuelle authentique, et une passion pour la science, qui ne peuvent qu'apparaître antinomiques aussi longtemps, estime l'auteur, qu'il n'est pas rompu avec la pensée reçue de la réification. En raison de sa clarté et de la légèreté du style, le livre de F. Vandenberghe sera, pour les étudiants, un guide précieux à travers des pensées complexes mais essentielles : les pensées qui ont fait notre temps. Mais le spécialiste y trouvera aussi, outre une contribution de premier plan à l'épistémologie de la sociologie, la plus riche introduction qui soit aux discussions théoriques et métathéoriques, qui animent aujourd'hui la sociologie mondiale. Premier pas vers une déprovincialisation de la sociologie française ? Dans ce second tome, on trouvera la présentation la plus systématique en français de l'École de Francfort et de l'œuvre de Jurgen Habermas, incompréhensible si on ne la replace pas dans cette modernité.