Extrait : Le 11 août 1859, je pars d'Abbeville par le train de huit
heures. Dans le wagon où je me trouve on causait mécanique,
et en termes qui m'annoncent que les causeurs sont dans leur
sujet. Ils n'en étaient pas plus d'accord, et la discussion devint
si vive que je crus un moment qu'ils allaient en venir aux
mains. Le plus ou moins de mérite de telle vis, de tel écrou, de
tel ressort, de telle qualité de rail et de fer leur remuait si bien
la cervelle qu'elle semblait avoir déraillé : ils déraisonnaient à
qui mieux mieux. Dans un moment lucide, ils voulurent me
prendre pour arbitre. Je les remerciai de l'honneur qu'ils me
faisaient, et me gardai bien d'accepter : donner raison à l'un,
c'était risquer de me faire étrangler par les autres. Je leur
répondis donc que j'étais trop peu au fait de ces questions pour
me prononcer, mais que, quelqu'importantes qu'elles pussent
être, je n'y voyais pas un motif pour se brouiller