De toutes les personnes qui ont connu Catherine Morland, dans son enfance, il n'en est pas qui aient dû la croire née pour figurer comme héroïne de roman. Le caractère de son père, celui de sa mère, le sien propre, sa personne, sa position dans la société, tout enfin semblait la destiner à l'obscurité, qui est le partage de la multitude. Son père, Pasteur respectable, n'avait rien de distingué, ni dans la personne, ni dans les manières ; il s'occupait beaucoup du soin de sa fortune, modeste, mais indépendante, et très-peu de l'éducation de ses enfants. Mistriss Morland joignait le bon sens à la bonhomie ; bien constituée, elle avait eu trois fils avant la naissance de Catherine, et, en dépit de la prédiction de plusieurs bonnes femmes de son voisinage, qui lui avaient prophétisé qu'elle perdrait le jour en le donnant à cette dernière, elle eut encore depuis six autres enfants. La santé parfaite de cette bonne mère, heureuse de voir tous ses enfants croître autour d'elle, donnait un grand échec à la science des tireuses d'horoscopes.