POUR composer l'Histoire du Privilège de Saint-Romain, imprimée en 1833, et celle du Parlement de Normandie, que je me propose de publier un jour, il m'a fallu, on le conçoit, compulser force registres et chroniques manuscrites. Là, avec les documents que je cherchais, j'ai rencontré, sans doute, nombre de vérités indifférentes ; mais combien aussi se sont offerts à moi de faits étrangers, il est vrai, à mes deux ouvrages projetés, intéressants toutefois, et qu'il m'aurait coûté de laisser dans l'oubli ! Ainsi, un jour, à la Bibliothèque royale, quel fut mon étonnement de trouver, non point dans un manuscrit, mais dans les feuillets qui lui servaient de gardes, une délibération authentique de l'Hôtel-de-Ville de Rouen, éconduisant bravement Louis XI qui avait voulu contraindre de bons gros marchands de la ville, Jean Le Tellier et dame Estiennotte sa femme, à donner leur fille unique en mariage à son chevaucheur Désile, l'un de ces hommes de bien prêts à tout, comme il en avait tant autour de lui ! « Le roi ne forcera aucuns des habitants de Rouen de se marier contre leur volonté », avait dit Philippe-Auguste dans une charte octroyée, en 1207, à notre ville. Trois siècles, presque, s'étaient écoulés depuis la promesse du monarque ; Rouen, toutefois, on le verra, ne l'avait point oubliée. Étrange chose, assurément, de trouver, sur les gardes d'un livre manuscrit, l'anecdote : Louis XI et la Normande ; car tout est vrai dans mon récit, et les opinions diverses émises par les conseillers de ville, et la lettre même de dame Estiennotte à Louis XI, lettre que je voudrais bien avoir imaginée, mais que je n'ai fait, hélas ! que transcrire.