Ce livre contient une table des matières dynamique.
Armand vit avec Jeanne, une veuve plus âgée que lui, qui l'entretient et l'aime tout en lui laissant beaucoup de liberté. Armand ne travaille pas, il se balade souvent pendant la journée et la soirée, et vient à rencontrer un ancien ami, Lucien. Celui-ci n'a pas eu la chance d'Armand, il est resté pauvre, timide, emprunté dans tous ses gestes et mal à l'aise en société, mais c'est le « témoin d'un passé douloureux » pour le narrateur.
À part une incartade d'Armand avec la jeune sœur de Lucien et une séparation à la fin du roman il ne se passe rien : pas d'intrigue, pas d'éclat même dans la séparation, pas de passion même dans les moments de douceur, seulement une observation psychologique et physique méticuleuse des faits, un amour du détail poussé à l'extrême, qui apportent un sentiment de malaise et une tension palpables à chaque page.
Extrait: Il était midi. À cause du froid, le soleil semblait plus petit. Les vitres et les glaces ne renvoyaient pas ses rayons. Mon attention, comme celle des enfants, se portait sur tout ce qui bougeait. Parfois je caressais la tête d'un cheval, sur le front pour qu'il ne me mordît pas.
Je suivais une rue si étroite que les fouets des voitures me touchaient en passant, lorsqu'une main se posa sur mon épaule.
Je la regardai, puis me tournai.
C'était Lucien. Au lieu de m'appeler, il avait voulu faire la plaisanterie de me toucher dans la rue comme l'eût osé un inconnu.
Je ne l'avais pas vu depuis un an. Il portait le même pardessus, une autre cravate, le même chapeau. Il n'avait pas grossi ni maigri. Pourtant il était différent. Il vivait dans mon souvenir sans rides, sans coupures, sans cette fossette du menton trop profonde pour qu'il pût la raser.
Je m'arrêtai. Notre haleine, dans le froid, s'échappait à contre-temps. Je remarquai autour de ses yeux une sorte d'affaissement qui donnait à son visage une expression triste et maladive. À ces endroits, la peau plissée battait à la cadence du cœur. À cause de sa lèvre inférieure, plus épaisse que celle du haut, il paraissait faire la moue. L'os de son nez était saillant, les oreilles, que je m'empresse toujours de regarder de peur de les oublier, brunes, lisses, sans les replis