Il est des hommes doués de perceptions exceptionnelles qui découvrent des sources : l'eau, si profondément enfouie qu'elle soit, les attire.
Creusez, disent-ils, vous trouverez.
Balzac appartenait à la classe de ces voyants, mais dans l'ordre intellectuel. Il se dit : « En moi sont des sources fécondes. » Il les avait constatées par des regards intérieurs, des visions, des repliements sur lui-même ; mais avant d'obtenir un résultat, que de trouées infertiles, que d'efforts, de privations et de souffrances ! Nous ne le saurions pas par la vie si difficile du romancier, par ses lettres, par le témoignage de ses contemporains, qu'une page de ses épreuves d'imprimerie suffirait à le démontrer.
Épreuves, le mot peut s'entendre dans l'acception la plus pénible. C'étaient des luttes acharnées pour Balzac que l'élucidation de sa pensée, presque aussi rudes pour ceux qui avaient à y prendre part.
Les corrections du romancier étaient déjà légendaires en 1830. Un compositeur d'imprimerie faisait « son heure » de Balzac, comme un forçat fait son temps, après quoi il se reposait en travaillant à quelque labeur plus facile.
On a conté plaisamment que tout caractère imprimé excitant la verve du conteur, s'il s'agissait dans un atelier de typographes de composer du Balzac, une feuille d'un ouvrage quelconque en train, fût-ce la Bible, était envoyée au romancier et que le résultat définitif était le même ; l'une ou l'autre de ces épreuves revenait avec une égale quantité de corrections. C'est dire qu'il restait à peine quelques mots de la pensée primitive de l'écrivain. Légendes invraisemblables en apparence et pourtant réelles !