Tant de silence dans cette oeuvre, qui semble écrite pour le faire exister, peut-être le conjurer.
Silence des questions retenues. A qui s'adresser pour savoir quelle route prendre ? Pour Andronikos, aux traces de ses prédécesseurs sur l'île, pour Ioakim, au moine emmuré dans sa surdité, ou à l'esclave du noble Mihaïl qui se retient d'épiloguer sur son conte de l'architecte sinon par un énigmatique "C'est la vie" ? Pour aucun d'eux, il ne semble y avoir de transmission possible d'une expérience. Comment d'ailleurs discerner les routes ? Il y faut pour cela la lumière du jour. Mais qui attestera de son lever ? Dans ce moment incertain qui suit le retour d'Andronikos, on peut douter contre toute raison que la nuit ne cesse jamais, et si une lueur naît, qu'elle permette la distinction entre le mur et le chemin ; entre la fondation et l'errance.
Alain Mascarou est né dans les Pyrénées en 1945, il a résidé en Turquie et vit à Paris.
Après un essai sur la revue de poésie L'Ephémère, qui fut à la croisée des exils (L'Harmattan, 1998), essai précédé et prolongé d'études sur Louis-René des Forêts, Christian Dotremont, Philippe Denis, Claude Esteban... , il s'est attaché à l'oeuvre frontalière de Silvia Baron Supervielle. Il traduit du turc Mehmet Yashin (Constantinople n'attend plus personne, Saint-Pourçain sur Sioule, Bleu Autour, 2008 ; La Rencontre de Sapho et Rûmî, Marseille, CipM, "Le Refuge", 2014) et Bilge Karasu (La Nuit, La Différence, 1993 ; Le Guide, L'Harmattan, 1998), dont il a édité une correspondance (Lettres à Jean et Gino, Istanbul, YKY, 2013) suivie d'une monographie (Bilge Karasu, l'étranger de l'intérieur, Châtillon, Axiéros, 2016).