En 1985, à 26 ans. Je décide de larguer ma vie de conseiller juridique. J'achète une ferme, des chèvres, quelques hectares. Puis, écoutant pousser mes cheveux, je me lance dans l'élevage caprin. C'est auprès de paysans à la retraite que je vais apprendre mon métier de chevrier. Faire les foins à la faux avant de tasser l'herbe sèche en vrac, parcourir les maquis pour permettre à mes bêtes à cornes de se gaver de fleurs sauvages et acacias, traire à la main, élever mon chien de berger, mouler mes fromages à l'ancienne, faire mon pain, couper mon propre bois de chauffage Bref ! Vivre presque en autarcie, aidé par quelques outils démodés. Ces gestes d'avant, ce sont les anciens qui vont me les enseigner. "Glaude" "Toine" et les autres, étaient d'une autre époque. Ils se foutaient de moi, parfois. Dans le sud, ils m'auraient sans doute surnommé "Le grand fada". Mais ils m'aimaient bien, je crois. Ils me racontaient leur passé, leur vie simple de gens de la terre. Aujourd'hui, ils ne sont plus là. Leurs modestes exploitations sont devenues maisons de vacances, habitations "plaquoplatrées" de citadins ou méchants tas de pierre. Je suis conscient d'avoir été le témoin privilégié d'une époque charnière, une époque qui n'existe plus.