Dans ce siècle où l'histoire philosophique de la littérature a été le sujet de si nombreux travaux, nous nous sommes souvent étonné de voir l'histoire philosophique des sciences naturelles rester en dehors du cercle habituel des recherches et des méditations des savans. Quelques esprits éminens de notre époque, en vue d'établir ou de réfuter par les enseignemens de l'histoire certaines doctrines scientifiques plus ou moins contestables, M. Cuvier, entre autres, dans ses célèbres leçons du Collège de France, ont abordé ce magnifique sujet d'études, mais en le considérant sous quelques points de vue seulement ; et M. Ampère, qui avait conçu la pensée [1] de le traiter dans son ensemble, pour les sciences naturelles comme pour les autres branches des connaissances humaines, M. Ampère n'a pas même commencé l'exécution de cette œuvre immense, qui, si elle ne surpassait pas la puissance de pensée et le savoir encyclopédique de cet homme de génie, était du moins trop au-dessus de ses forces physiques.
Il est douteux, disons plus, il est hors de tout espoir que la conception grandiose de M. Ampère puisse être réalisée avant de longues années ; mais il est possible et il importe dès aujourd'hui de préparer par des travaux partiels et de hâter ce moment où ce progrès pourra être accompli.
[1] voyez son Essai sur la philosophie des sciences, tome Ier, et le travail publié sur M. Ampère par M. Sainte-Beuve et M. Littré dans cette Revue, n° du 15 février.