Ma Michette, mon Michon chéri, tu vois que je t'écris tout de suite. Nous voilà à la mer. Le voyage a été bon, sauf que j'ai eu grand chaud, et que mon cousin Jean m'a taquinée presque la moitié du temps, et qu'il m'est arrivé un grand malheur en route.
D'abord, je me suis amusée à regarder par la portière, et c'était bien drôle de voir les gens à leurs portes ou à leurs fenêtres, les vaches dans les prés, les chevaux qui labouraient la terre, les oiseaux qui s'envolaient, les petits gardeurs de moutons qui agitaient leurs bonnets en l'air ou bien qui couraient de toutes leurs forces pour faire semblant de suivre le train ! Oh ! ils étaient bien vite las, je t'en réponds. Alors ils s'arrêtaient tout essoufflés, s'essuyaient le front et nous montraient le poing.
C'était si amusant, que j'ai dit à maman: «Oh ! maman, si le voyage pouvait durer toujours !» Maman a souri sans rien dire; Jean a haussé les épaules, et je me suis remise à la portière.
Alors sais-tu ce que j'ai vu ?
Nous étions sur une hauteur, on voyait les maisons et les personnes tout en bas; dans le jardin d'une des maisons, deux garçons s'amusaient à traîner une petite fille dans une voiture à quatre roues. Voilà un des garçons qui se retourne en riant, lève la corde aussi haut qu'il peut, et fait chavirer la voiture et la petite fille. Oh ! qu'ils sont méchants et mal élevés, les garçons ! Comme nous allions très vite, des arbres m'ont caché le jardin; mais je suis sûre que la pauvre petite fille s'est fait grand mal.