On savait, dans le faubourg, que le pauvre vieux, qui avait été autrefois
garçon de rece?e chez un banquier et qui, depuis son a?aque, ne recevait
qu'un secours insuffisant de son ancien patron, aurait dû aller à l'hospice,
sans sa brave et laborieuse fille. C'était elle qui le faisait vivre, qui le soignait
tendrement, qui l'établissait, chaque matin, dans son fauteuil, avec
du linge blanc, net comme torche?e, et qui entretenait chez lui l'illusion
d'être un bourgeois, un homme établi. Car, bien qu'elle fît tout à la maison,
elle répétait aux voisines : « Si vous saviez combien papa m'aide !
comme il m'est utile ! » La vérité, c'est que, les trois quarts du temps, il
tournait ses pouces. Mais lorsque entraient des clients pas pressés, des gamins
de l'école demandant un sou de plumes de fer, ou la rôtisseuse d'en
face, une bavarde à qui il fallait vingt minutes pour choisir un agenda,
la petite papetière les faisait servir par le bonhomme, qui s'en acqui?ait
lentement, maladroitement, en s'appuyant aux meubles. Et, pour qu'il ne
soupçonnât pas alors la ruse délicate, sa fille feignait d'être très occupée
et disait à la pratique : « Vous voyez, sans papa, je ne m'en tirerais pas
aujourd'hui surtout que j'ai à classer tous mes bouillons de la semaine,
pour les hebdomadaires. »
On savait, dans le faubourg, que le pauvre vieux, qui avait été autrefois
garçon de rece?e chez un banquier et qui, depuis son a?aque, ne recevait
qu'un secours insuffisant de son ancien patron, aurait dû aller à l'hospice,
sans sa brave et laborieuse fille. C'était elle qui le faisait vivre, qui le soignait
tendrement, qui l'établissait, chaque matin, dans son fauteuil, avec
du linge blanc, net comme torche?e, et qui entretenait chez lui l'illusion
d'être un bourgeois, un homme établi. Car, bien qu'elle fît tout à la maison,
elle répétait aux voisines : « Si vous saviez combien papa m'aide !
comme il m'est utile ! » La vérité, c'est que, les trois quarts du temps, il
tournait ses pouces. Mais lorsque entraient des clients pas pressés, des gamins
de l'école demandant un sou de plumes de fer, ou la rôtisseuse d'en
face, une bavarde à qui il fallait vingt minutes pour choisir un agenda,
la petite papetière les faisait servir par le bonhomme, qui s'en acqui?ait
lentement, maladroitement, en s'appuyant aux meubles. Et, pour qu'il ne
soupçonnât pas alors la ruse délicate, sa fille feignait d'être très occupée
et disait à la pratique : « Vous voyez, sans papa, je ne m'en tirerais pas
aujourd'hui surtout que j'ai à classer tous mes bouillons de la semaine,
pour les hebdomadaires. »