« Ça a soufflé, cette nuit. Vraiment. Un vent à planter les piafs dans la falaise. À les plaquer sur le sable. Là, c'est des fous de Bassan. Y en a partout. Tas de plumes emmêlés, remués par un vent qu'a pas fini de s'exciter. Panés de gros sable humide. Salés comme des harengs. Tellement majestueux, pourtant, quand ils planent en l'air.
« Driss Bécaert les prend en photo. Les piafs morts et le matos ramené par les vagues. Des planches, des bouts de trucs des chaussures aussi. Une cargaison entière de godasses de toutes les couleurs, échouées là par la tempête.
« C'est pas pour lui les photos, tu penses, c'est pour le journal. Correspondant de presse, le Driss. Il squattait depuis quelques jours dans le patelin quand il a vu cette annonce du Courrier Bigouden, le quotidien régional : « vous êtes observateur, curieux, attentif », à fond, son métier, c'est graphiste ; « amené à vous déplacer, à rencontrer les habitants et les acteurs locaux », il avait déjà compris que tout seul dans son refuge face à l'océan et à cinq kilomètres du premier voisin même si il en avait besoin , c'était quand même le parfait combo pour virer focard ; et puis « le correspondant local perçoit des honoraires, qui constituent un revenu d'appoint ». Incontournable.
« Alors il a envoyé un joli CV, une lettre bien motivée et le voilà, à la fraîche, « témoin de la vie locale », le nez suintant, les pieds dans la mort, en train de shooter les descendants des pilleurs d'épaves déambulant tels des fantômes. Ils vont "au bris" comme tu vas au charbon. l'échine courbée pareil, mais eux, c'est le vent, et quand ils se baissent, aussi, une fois qu'ils ont repéré une bricole à damer »
Trois cadavres, un officier de gendarmerie, une journaliste et Driss Bécaert au milieu qui ne demandait qu'un peu de répit.
TAG, « Tout à gauche » : (langage cycliste) c'est la combinaison du plus petit plateau du pédalier couplé avec le plus grand pignon de la roue arrière, les deux se trouvant le plus à gauche dans le sens de la conduite. C'est le braquet utilisé pour grimper les « murs », les côtes les plus raides. Celles qui te font bouffer ton guidon.
Les auteurs : Carlier ET Béthune. En fait, ils sont deux. Remi Carlier a inventé le scénario et ses rebondissements, Alain Béthune a imaginé la mise en scène et les dialogues.