Ce livre contient une table des matières dynamique.
Extrait: Au gui l'an neuf
Dans une des immenses forêts qui s'étendaient jadis depuis le Rhin jusqu'aux rives de la Seine, et dont les chênes séculaires ombrageaient une partie du pays chartrain, un cri solennel, imposant, devança le jour : Au gui l'an neuf ! Ce cri, poussé par plusieurs voix et répété d'écho en écho, vint bientôt se perdre au pied d'un autel de gazon, placé sous l'arbre le plus ancien et le plus élevé. Aux branches pendantes de cet arbre étaient écrits les noms des dieux de la Gaule, Tarann, l'esprit du tonnerre, Hésus, qui présidait à la guerre, Teutatès, dieu du feu, de la mort et de la destruction. Soudain de tous côtés apparaît une multitude d'hommes, de femmes et d'enfants de tous les âges. Leur costume est uniforme, il se compose d'une tunique brodée d'or, d'argent ou de laine. Elle est plus courte pour les hommes que pour les femmes ; les uns et les autres sont également parés de chaînes, de ceintures, de bagues et de bracelets d'or. Les prêtres se distinguent de cette foule par leurs longs habits de lin blanc flottant jusqu'aux talons. Ce sont les druides, les véritables souverains de la Gaule. Ils s'approchent de l'autel et s'y tiennent debout pendant que le peuple s'agenouille autour d'eux ; un peu plus loin sont les druidesses, jeunes filles qui, pareilles aux religieuses de nos jours, renonçaient au mariage et se vouaient, les unes à l'éducation, les autres à l'art de guérir les malades. C'était environ quatre-vingts ans avant la naissance de Noire-Seigneur Jésus-Christ. On était alors au premier du mois des trois mamelles (qui correspond à peu près à notre mois de mai), ainsi nommé parce que, à dater de ce mois, on pouvait traire les troupeaux trois fois par jour. L'année commençait ce même jour, et la recherche du gui était une fête nationale dans la Gaule. Disons tout de suite que la Gaule comprenait alors la Belgique et une partie de l'Helvétie. Elle avait pour limites l'océan Britannique, le Rhin, la grande Germanie, une partie des Alpes avec l'Italie, la mer Méditerranée, les Pyrénées et l'Espagne. Ce pays, qui est devenu aujourd'hui notre belle France, était bien loin de ressembler à ce qu'il est actuellement : d'impénétrables forêts refroidissaient le sol ; des lacs, des torrents, des rivières, le coupaient en tous sens, et quelques rares cabanes étaient peuplées d'hommes qui disputaient leur nourriture aux animaux féroces, quand toutefois ils ne servaient pas eux-mêmes de pâture à ces derniers. Or, ce mois des trois mamelles commençait, et le peuple venait de se disperser à la recherche du gui, plante parasite et très rare qui ne croît que sur quelques chênes. Une femme et un enfant du pays des Arvernes (Auvergne), que la curiosité sans doute avait seule attirés dans ce lieu, ne prenaient aucune part à la joie générale. La femme était jeune, d'une beauté peu commune et qui appartient aux habitants du Nord. Elle était blanche, grande et bien faite ; une abondante chevelure blonde descendait en anneaux pressés et soyeux jusqu'au-dessous de sa ceinture ; ses beaux yeux