Et le mythe devint scientifique, et le scientifique devint dogme en 1950. Vérité absolue dans notre monde chrétien, la dormition relie nos plus beaux rêves. De la Belle au bois dormant à l'élévation de la Vierge Marie, du roi Arthur au « sommeil » du Bouddha ou aux dormants de l'Islam, il faut deux siècles de vérifications expérimentales sous le regard bienveillant de l'Académie des Sciences pour conclure que la dormition préserve de la corruption.
La dormition est ce sommeil « magique » dont la présence s'impose dans le monde chrétien, alors qu'elle ne repose sur aucun texte canonique. Les nombreuses dormitions de l'histoire des religions, ou celles des mythes, témoignent de l'universalité du concept. Elles expliquent pourquoi les rapports incestueux entre sciences et religions seront si prolifiques aux XVIIe et XVIIIe siècles, comme ils l'ont été pour la palingénésie. Chaque dormition forme une nature morte, mieux nommée en anglais par « still life » (toujours en vie), où le héros est pourtant fragile comme l'est le corps du comte Dracula dans sa léthargie surnaturelle. Le corps offert au premier venu dans ce temps suspendu, aux parfums d'éternité, il attend, avec nombre de monarques de la fin des temps, un devenir plus souriant.