Par une sorte de pressentiment qu'on observe souvent chez les hommes doués d'une volonté vigoureuse, M. Jules Ferry avait, dès son entrée à la Chambre, donné à sa vie politique un objectif que la destinée lui a permis d'atteindre. Dès le 10 avril 1870, dans une conférence populaire, faite à la salle Molière, au profit de la Société pour l'instruction élémentaire, le futur organisateur de l'enseignement du peuple, le futur grand-maître de l'Université, disait : « Quant à moi, lorsqu'il m'échut ce suprême honneur de représenter une section de la population parisienne dans la Chambre des députés, je me suis fait un serment : entre toutes les questions, entre toutes les nécessités du temps, entre tous les problèmes, j'en choisirai un auquel je consacrerai tout ce que j'ai d'intelligence, tout ce que j'ai d'âme, de cœur, de puissance physique et morale : c'est le problème de l'éducation du peuple. » Nous croyons intéressant de reproduire cette conférence, dans laquelle M. Jules Ferry a tracé, pour ainsi dire, les grandes lignes du programme dont il a si fermement et si vaillamment poursuivi l'application au ministère de l'Instruction publique :
MESDAMES ET MESSIEURS,
L'accueil bienveillant que vous nous faites m'engage à commencer par un aveu ; je ne veux pas vous prendre en traître, car cette Conférence n'est qu'une conversation où vous apportez, vous, votre bienveillante attention, et moi quelques études, quelques recherches, et rien de plus, novice que je suis dans ce bel art de la conférence, dont vous avez ici (se tournant vers M. Jules Simon) un des premiers maîtres. (Nombreux applaudissements).