La sage réforme électorale qui vient de s'accomplir en Angleterre ne ressemble pas à ces mesures hâtives que l'on improvise au lendemain des révolutions. Elle n'est pas née tout d'un coup, sur un sol fraîchement remué par la guerre civile, comme ces champignons qui poussent dans l'espace d'une pluie d'orage ou comme une Minerve sortant tout armée du cerveau de Jupiter. Rien ne se fait chez nos voisins qui ne soit le produit d'une délibération mûre et approfondie. De tous les changemens que le parlement britannique a pratiqués depuis quarante ans dans la constitution d'Angleterre, il n'y en a pas un seul qui soit venu par surprise, et qui n'ait été préparé longtemps d'avance par l'opinion du pays. La raison d'ailleurs en est saisissante et bien facile à concevoir pour tout homme de bon sens : c'est à sa grande liberté que l'Angleterre est redevable de l'esprit conservateur qui préside à ses destinées ; sa liberté est ce qui la préserve de ces révolutions prématurées et soudaines que nous avons le tort d'imputer en France aux agitations de la vie publique.