Voici bientôt cinq ans que les rapports de la France et de l'Angleterre sont soumis à l'action de deux courans opposés, le courant national et le courant ministériel. D'un côté d'amers souvenirs, de vifs ressentimens, le désir prononcé d'une revanche ou d'une réparation ; de l'autre une pensée unique, celle d'obtenir, à force de concessions, que l'Angleterre veuille bien oublier le mal qu'elle nous a fait ; celle de renouer, malgré ses torts à notre égard, l'alliance qu'elle a rompue. D'un côté, par conséquent, une susceptibilité inquiète et jalouse, de l'autre une confiance imperturbable et le plus complet abandon. Il n'est pas surprenant que deux dispositions si contraires aient créé non-seulement entre la France et son gouvernement, mais encore entre les deux pays qu'on prétendait réconcilier, une hostilité journalière, permanente, et qui, plus d'une fois, a failli faire explosion. Il n'est pas surprenant que l'alliance anglaise ait existé d'autant moins qu'on la proclamait davantage. Les cabinets se faisaient, d'une tribune à l'autre, de tendres complimens ; les couronnes se visitaient, se rapprochaient, se donnaient toutes les marques possibles d'une mutuelle amitié, et pendant ce temps les deux peuples se regardaient d'un œil de défi et se traitaient partout en ennemis.