Extrait: Au milieu des ruines qui nous rappellent les malheurs de la Corse, le voyageur visite encore celles qu'on rencontre non loin de Serra-di-Ferro.
Ce sont les ruines du château de Forcone.
Ce château était situé sur un monticule, en forme de cône. Le site en était admirable : le climat y était sain ; la température douce ; le sol riche, fécond. Les vents alizés y entretenaient un printemps éternel.
La perspective était des plus agréables. Ici, à une petite distance du château, on apercevait la mer qui, tantôt calme, tantôt agitée, s'irritait contre la plage, la blanchissait de son écume. Là, dans le lointain, c'étaient des montagnes sombres, abruptes, aux sommets échancrés, parfois couverts de neige, qui reposaient le regard, charmaient l'imagination. Plus loin, dans la vallée, au pied même du château, le Taravo, promenaitlentementses eaux, à travers de gras pâturages, de riches moissons. Çà et là, dans la campagne, on voyait du blé, des forêts d'oliviers, des bosquets de myrtes, des vignes, des orangers qui exhalaient les parfums les plus exquis.
Le soir, quand le berger avait ramené son troupeau au bercail, que l'oiseau ne chantait plus, on voyait le soleil aux prises avec la nuit qui l'enveloppait de toutes parts. L'astre jetait sur le monde attristé, comme pour lui dire adieu, ses rayons expirants ; la nature effrayée assistait en silence à la lutte suprême qui venait de s'engager, tandis qu'à l'occident des nuages de roses voltigeaient en masses compactes autour du soleil, se serraient près de lui, et, faisant miroiter sur la plaine liquide, à travers leurs flancs échancrés, les derniers feux de l'astre mourant, ils dissimulaient sa fuite, la couvraient, lui permettaient ainsi de cacher sa défaite au sein des ondes.
C'était dans ce château, si bien favorisé par la nature, qu'habitaient les comtes d'Ornano.