"Et In Arcadia Ego" Voyages et Séjours de Femmes en Italie, 1770-1870

En examinant près de trois cents références diverses, cet ouvrage a d'abord cherché à couvrir la totalité des témoignages féminins relatifs à l'Italie depuis la fin des Lumières jusqu'à l'Unité : tous ceux qui relèvent de la littérature de voyage stricto sensu, bien sûr, mais aussi ceux qui n'ont pas forcément connu la publication et qui se rattachent plutôt aux écritures de soi (carnets de route, correspondances, autobiographies, journaux, etc.). Qui sont ces femmes fréquentant l'Italie ou s'y expatriant ? Au fil du temps, elles relèvent mois souvent de l'aristocratie et plus fréquemment des classes moyennes quelques-unes sont même des professionnelles de l'écriture comme Lady Morgan, Fanny Lewald ou Louise Colet. Pour identifier les traits originaux de leur regard sur le bel paese, le berceau de la civilisation, la patrie des beaux-arts, on privilégie dans ce livre trois axes d'approche : leur appréciation de l'Italie comme société dominée, leur appréhension de la sociabilité et des mœurs domestiques, et enfin leur sensibilité aux espaces, aux lieux, et à leur personnalité. Pillée par les Français ou tenue sous le joug par les Autrichiens, la péninsule offrait un parallèle, classique depuis le Corinne de Germaine de Staël (1807), entre la destinée de la femme dans la société et le parcours de la nation italienne dans l'Histoire. Le Risorgimento a donc été fortement valorisé par les écritures féminines, particulièrement celles des Britanniques. Ensuite, que ce soit à travers la vie religieuse, les mœurs familiales ou la conjugalité, les Italiens de la haute société ou du bas peuple servirent d'abord à chaque voyageuse de point d'appui pour un discours décalé sur son propre modèle national de féminité. Un petit noyau d'écrivaines a cependant montré une capacité à lire la sociabilité et la religiosité des Italiens de manière plus subtile et moins contemptrice. Enfin, pour ce qui concerne l'approche des régions et des villes emblématiques de la péninsule italienne, on observe que l'écriture de l'Italie rustique, tout comme celle de l'Italie des villes d'art et des « hauts lieux » de la culture, a possédé un authentique versant féminin, discret peut-être mais bien réel. Depuis Hester Piozzi jusqu'à Natalia Ogareva en passant par George Sand et Mary Shelley, ces voyageuses européennes de l'époque préunitaire ont pleinement participé à la reconstruction imaginaire de l'Italie par les écritures du voyage modernes.

Nicolas Bourguinat, professeur à l'Université de Strasbourg, historien de l'Europe du XIXe siècle, a dirigé et publié plusieurs travaux relatifs à l'histoire des pratiques et des écritures féminines du voyage. Il a également édité aux Presses universitaires de Strasbourg des textes comme les Lettres de Rome (1808-1810) de Friederike Brun, et le Voyage de noces d'une royaliste à travers l'Allemagne et l'Italie (1845) de Sophie Johanet. Il a créé et dirigé jusqu'en 2016 la revue Source(s). Arts, Civilisation et Histoire de l'Europe.

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