Eurydice deux fois perdue est un poème en prose de l'écrivain et poète français Paul Drouot (1886 1915).
Préface par Henri de Régnier, de l'Académie française.
PAUL DROUOT. De sa courte vie, que termina une mort héroïque, Paul Drouot a laissé, en témoignage de son talent et en indice d'une gloire future, trois recueils de poèmes juvénilement et pathétiquement beaux : « La Chanson d'Éliacin », « La Grappe de raisin » et « Sous le Vocable du Chêne », quelques vers inédits et les fragments d'un livre : « Eurydice deux fois perdue », qui eût été « son livre », celui qui l'eût fait connaître au delà du petit cercle d'amis et de lecteurs attentifs qui avaient senti en ces premiers essais la valeur de cette âme magnifique, de ce cœur généreux, de ce noble esprit...
Extrait :
Je vous ai toujours attendue dans l'obscurité, comme si vous étiez toute la lumière ; aujourd'hui, pour la dernière fois, je vous attends. La forêt, autour du pavillon de chasse, étouffe les rumeurs du jour qui finit. Puissent ces intolérables moments, où je crois tour à tour que je meurs et que la porte s'ouvre, se prolonger jusqu'à l'aurore ! * * * Je ne vous attends pas depuis l'heure fixée pour notre rendez-vous, ni depuis le quart d'heure qui la précède, ni depuis l'heure d'avant, ni depuis midi ! Je vous attends bien avant de me mettre à vous attendre. * * * Je le sais bien, vous ne pouvez pas être à l'heure, même ce soir ! * * * Je vous attends debout, non qu'une excessive fatigue ne me commande de m'asseoir. Je vous attends contre la porte, je fais presque corps avec elle, ma main tient la serrure, mon front bat. Le plancher sous mes pieds vacille, comme si des charrois passaient au loin...