Il est vrai que la nuit, quand je pouvais prendre sur moi de fermer mes
volets aux rayons tentateurs de la lune ; quand je pouvais détourner mes
regards de ce ciel tout scintillant d'étoiles ; quand je pouvais m'isoler avec
ma propre pensée, je ressaisissais quelque empire sur moi-même. Mais,
comme un miroir, mon esprit avait conservé un reflet de ses préoccupations
de la journée, et, comme je l'ai dit, ce n'étaient plus des créatures
humaines avec leurs passions terrestres qui m'apparaissaient, c'étaient
de beaux anges qui, à l'ordre de Dieu, traversaient d'un coup d'aile ces
espaces infinis ; c'étaient des démons proscrits et railleurs, qui, assis sur
quelque roche nue, menaçaient la terre ; c'était enfin une oeuvre, comme
la Divine Comédie, comme le Paradis perdu, ou comme Faust, qui demandait
à éclore, et non plus une composition comme Angèle ou comme
Antony...