Mes frères dans la mort, je suis Boduognat, Roi du pays Nervien, roi du pays des chênes ; Je suis le vieux héros-martyr, le vieux magnat Dont les bras n'ont jamais connu le poids des chaînes !
Quand César vint, quittant nos cabanes de bois, Et laissant nos vieillards, nos enfants et nos femmes Veiller dans la tranquille épaisseur de nos bois, Nous sommes allés droit à ces Romains infâmes.
Les Druides, levant au ciel leurs fronts pensifs, Parés de gui, priaient les dieux dans les clairières, Et les vierges mouraient sur les dolmens massifs Pour mêler leur sang rouge au vol blanc des prières.
Des alliés nombreux épaississaient nos rangs : On venait des cantons et des tribus prochaines, Car le vent leur portait avec l'eau des torrents Nos cris de liberté qui montaient dans les chênes.
Romains, vous l'avez vu cet effort triomphant D'un peuple qu'on assaille au fond de ses repaires, Et qui se lève, et qui se rue, et qui défend Les berceaux des enfants et les tombes des pères !
Hélas ! le Belgium vaincu, mis en lambeaux, Tomba, sans nul espoir de briser ses entraves...