Quand on veut faire revivre dans un récit, même épisodique, la France du XVIe siècle, il faut avoir présente à l'esprit l'histoire de ce petit royaume de Navarre qui exerça une si grande influence sur nos destinées nationales. De même la figure de Henri IV n'apparaîtrait pas en pleine lumière, si l'on n'avait d'abord entrevu, tout au moins sous forme d'esquisse, la figure de Jeanne d'Albret. Dans les pages qui vont suivre, on verra longtemps la mère auprès du fils, et de cette vie à deux se dégageront quelques-unes des clartés nécessaires auxquelles nous venons de faire allusion. Les autres, celles qui tiennent à l'existence et à la situation du royaume de Navarre, doivent être mises avant tout à la portée du lecteur. La Navarre, après d'ardentes luttes contre Pepin, Charlemagne et ses successeurs, s'était définitivement affranchie de la domination des Carlovingiens en l'an 860, où elle forma un royaume indépendant, avec Pampelune pour capitale. En 1224, Thibaut IV, comte de Champagne, neveu de Sanche IV, roi de Navarre, lui succéda par voie d'adoption, et ce fut en 1488, par le mariage de Catherine de Foix, sœur et héritière de François Phœbus, avec Jean d'Albret, que les ancêtres maternels de Henri IV entrèrent en possession de ce royaume, qui ne tarda pas à être démembré. Dix-sept ans après, en 1512, Ferdinand le Catholique, roi de Castille et d'Aragon, voulut faire de Jean d'Albret son allié dans une guerre contre Louis XII, et exigea le passage à main armée sur ses terres. Allié naturel du roi de France, Jean refusa, et Ferdinand, après avoir obtenu du pape Jules II une bulle d'excommunication contre le roi de Navarre, envahit les Etats de ce prince, incapable de lui opposer une sérieuse résistance. Ainsi fut perdue pour la Maison d'Albret toute la Navarre transpyrénéenne, qu'on appelait la Haute-Navarre. Constamment revendiquée par les successeurs de Jean, elle ne fut jamais restituée, et les lettres de Henri de Bourbon, avant son avènement au trône de France, font souvent allusion à cet acte de violence et d'iniquité.