Préface de Jacques Pirenne
Le 18 mars 1916, vers 9 heures du matin, un officier de l'armée d'occupation allemande se présentait chez mon père, M. Henri Pirenne, qui habitait alors, rue Neuve Saint-Pierre à Gand, et le priait de le suivre à la « Kommandantur ». Il y fut reçu par un major qui lui annonça son départ immédiat pour l'Allemagne ; et comme il s'enquérait de la raison de son arrestation, l'officier se borna à lui répondre : « Je l'ignore, c'est une ordre. » Ma mère fut autorisée à venir prendre congé de son mari en présence d'un officier ; quant à son fils Robert qui était à ce moment à l'école, il ne put venir embrasser son père qui, une heure après son arrestation, prenait le chemin du camp de Crefeld.
Brusquement séparé de sa famille et de ses amis, obligé de laisser seule en pays occupé ma mère, dont la santé avait été ébranlée par la mort de son fils Pierre, tué à l'Yser le 3 novembre 1914, mon père, dès son arrivée au camp d'officiers de Crefeld, décidé à ne pas se laisser abattre, s'était mis au travail. De nombreux officiers russes étaient internés au camp, il entreprit avec l'un d'eux l'étude de la langue russe.