Une république fameuse, long-temps puissante, remarquable par la singularité de son origine, de son site et de ses institutions, a disparu de nos jours, sous nos yeux, en un moment. Contemporaine de la plus ancienne monarchie de l'Europe, isolée par système et par sa position, elle a péri dans cette grande révolution, qui a renversé tant d'autres états. Un caprice de la fortune a relevé les trônes abattus; Venise a disparu sans retour; son peuple est effacé de la liste des nations; et, lorsqu'après ces longues tempêtes, tant d'anciens possesseurs se sont ressaisis de leurs droits, il ne s'est point trouvé d'héritier pour un si riche héritage. Depuis sa catastrophe, livrée, rendue, reprise et asservie pour toujours, à peine a-t-elle entendu de faibles voix réclamer pour elle cette pitié, dernier droit du malheur. Quelque préoccupés que fussent les spectateurs de cette grande infortune, honorée de si peu de regrets, ils ont demandé comment avait pu se dissoudre un gouvernement réputé jusqu'alors inébranlable; ils se sont informés des causes qui avaient dû préparer une si subite et si complète révolution.