C'est le cataclysme qui sonne le retour à l'âge de pierre ! Aujourd'hui-même, toutes les routes du monde, toutes les voies de communication ont perdu leur raison d'être ! Qui est de permettre à un véhicule d'aller, avec son chargement, d'un point A à un point B, en faisant des détours par C, par D et par E pour éviter des travaux, pour poster une lettre ou pour voir la mer, tout en polluant dans l'intervalle, naturellement. Ça ne fonctionne plus comme ça. On va dorénavant d'un point A à un point on ne sait quoi. On ne sait où. Dramatique ! Pensez aux familles brisées, aux enfants abandonnés, à tous ceux que l'on pourrait d'ores et déjà appeler les Égarés de l'Anomalie.
Pied au plancher sur les petites routes de campagne, Rodrigue poussait sa vieille bagnole rouillée jusqu'à ses limites de propulsion et d'adhérence.
À 90 km/h, la Peugeot 405 break, rouge de rouille, traînait un épais nuage de fumée dans son sillage participant modestement, de sa petite pierre dégoûtante déposée tous les cent mètres sur la chaussée, à l'édifice colossal de la pollution atmosphérique et du réchauffement climatique.
Rodrigue serait bientôt chez lui dans la banlieue de Rennes, au calme, dans son canapé face à sa télé, et il l'aurait déjà été depuis longtemps s'il avait pu se payer le TGV ou s'il ne devait pas proscrire la conduite sur autoroute avec sa caisse pourrie qui ne tenait pas le 110, c'était une chose évidente, mais qui risquait en plus, et ce à tout moment, de perdre une roue, ou pire encore. Alors, il se rabattait sur les routes départementales, celles dont les fossés amortissent voluptueusement, tous les week-ends, les sorties de route des ivrognes de la région. (...)