Jacques Marchadier ? Je l'avais rencontré tout à fait par hasard. Nous avions lié une amitié éphémère. Il s'était raconté et m'avait ainsi livré l'histoire de sa vie, de sa vie professionnelle, une vie de professeur à travers un parcours atypique, qui n'était ni la vie qu'il avait imaginée, ni la vie qu'il avait choisie. Il avait fait ce métier par défaut, pour des raisons strictement alimentaires. Il m'avait dit et répété qu'il n'avait jamais eu la vocation, qu'il n'avait jamais eu cette force irrésistible qui avait poussé certains de ses collègues vers ce métier. Ses confidences c'était comme s'il avait posé là, dans mon dictaphone, un fardeau encombrant, une sorte de « Scotch du capitaine Haddock » qui embarrassait son esprit. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris pourquoi son chemin, au sein de l'Education Nationale, lui avait laissé ce sentiment d'inachevé et cette furieuse envie de tourner définitivement la page. Le sentiment d'inachevé c'était peut-être le regret de n'avoir pas même essayé, en dehors des classes dont il eut la charge, de promouvoir ses propres convictions pédagogiques, parce que cela aurait représenté un travail important qu'il n'avait eu ni le courage ni l'envie d'entamer. Peut-être. Quant à l'envie de tourner définitivement la page, j'ai cru deviner que sa navigation, d'établissement en établissement, avait petit à petit détruit l'idée naïve qu'il s'était faite d'un monde de l'éducation parfaitement harmonieux. Une déception, quoi. Alors que son récit pointe essentiellement ce qu'il considère comme des dysfonctionnements, il sous-entend qu'il se passe, malgré tout, de très belles choses dans ce milieu. Alors, l'école et Marchadier, ne serait-ce pas comme dans la chanson : « Je t'aime, moi non plus » ?