La chambre à coucher des jeunes époux ne se distingue par aucun
meuble ou ornement superflu. À part le lit et l'armoire de Louise, une
couple de chaises et le miroir indispensable, on n'y voit qu'un petit bénitier
et un crucifix en bois peint suspendus à la tête du lit, et un cadre
modeste représentant la sainte Vierge et l'enfant Jésus.
Dans la salle à dîner, à part les chaises, la table et le garde-manger, on
ne voit qu'une pendule qui peut avoir coûté de cinq à dix chelins, et la
croix de tempérance, accolées sur la cloison.
Toute modeste cependant que soit ce?e habitation elle peut passer
pour splendide comparée à celle qu'occupait Jean Rivard durant les deux
premières années de son séjour dans la forêt.
J'entends d'ici le lecteur s'écrier : ?elle cruauté ! quel égoïsme de
la part de Jean Rivard ! Comment n'avait-il pas prévu que la jeune fille
élevée dans une riche et populeuse campagne, entourée de parents affectionnés,
d'aimables et joyeux voisins, reculerait d'effroi devant ce?e
sombre forêt, devant ces souches lugubres et ce?e nature sauvage ?
Détrompez-vous, lecteur ; la vue des grands arbres sur lesquels les
yeux s'arrêtaient de tous côtés, la tranquillité de ce?e solitude, n'effrayèrent
nullement l'imagination de la jeune femme. L'asile modeste
qu'elle allait embellir par sa présence, et où elle devait gouverner en reine
et maîtresse, était propre, gai, confortable ; elle ne l'eût pas échangé contre
la plus riche villa. D'ailleurs, qui ne sait que les lieux où l'on aime ont toujours
un aspect charmant ?