Seule au milieu de ce silence, la petite rivière dont nous avons déjà
parlé, le Selzbach, comme on l'appelle dans le pays, poursuit son cours
mystérieux sous les sapins de la rive ; et quoique ni jour ni nuit ne l'arrêtent,
car il faut qu'elle se je?e dans le Rhin qui est son éternité à elle,
quoique rien ne l'arrête, disons-nous, le sable de son lit est si frais, ses
roseaux sont si flexibles, ses roches si bien ouatées de mousses et de saxifrages,
que pas un de ses flots ne bruit de Morsheim, où elle commence,
jusqu'à Freiwenheim, où elle finit.
Un peu au-dessus de sa source, entre Albisheim et Kircheim-Poland,
une route sinueuse creusée entre deux parois abruptes et sillonnée de
profondes ornières conduit à Danenfels. Au-delà de Danenfels la route
devient un sentier, puis le sentier lui-même diminue, s'efface, se perd,
et l'oeil cherche en vain autre chose sur le sol que la pente immense du
Mont-Tonnerre, dont le mystérieux sommet, visité si souvent par le feu
du Seigneur, qui lui a donné son nom, se dérobe derrière une ceinture
d'arbres verts, comme derrière un mur impénétrable...