À présent que le calme se fait autour de ce grand nom un de ceux que la prospérité n'oubliera pas, on ne saurait imaginer au milieu de quel tumulte, dans quelle ardente poussière de combat il a vécu.
Chacune de ses œuvres soulevait des clameurs assourdissantes, des orages, des discussions furieuses. On invectivait l'artiste avec des injures telles qu'on ne, les eût pas adressées plus grossières ni plus ignominieuses à un voleur ou à un assassin. C'est ainsi que les génies sont salués à leur aurore.
Personne n'était plus séduisant que lui lorsqu'il voulait s'en donner la peine. Il savait adoucir le caractère féroce de son masque par un sourire plein d'urbanité. Il était moelleux, velouté, câlin comme un de ces tigres dont il excelle à rendre la grâce souple et formidable, et, dans les salons, tout le monde disait : « Quel dommage qu'un homme si charmant fasse de semblable peinture ! »
Extrait :
Louroux, mardi 3 septembre 1822
Je mets à exécution le projet formé tant de fois d'écrire un journal.
Ce que je désire le plus vivement, c'est de ne pas perdre de vue que je l'écris pour moi seul. Je serai donc
vrai, je l'espère ; j'en deviendrai meilleur. Ce papier me reprochera mes variations. Je le commence dans
d'heureuses dispositions.
Je suis chez mon frère ; il est neuf heures ou dix heures du soir qui viennent de sonner à l'horloge du Louroux.
Je me suis assis cinq minutes au clair de lune, sur le petit banc qui est devant ma porte, pour tâcher de me
recueillir ; mais quoique je sois heureux aujourd'hui, je ne retrouve pas les sensations d'hier soir C'était
pleine lune. Assis sur le banc qui est contre la maison de mon frère, j'ai goûté des heures délicieuses...