« Serez-vous de gala chez lady Clonbrony, la semaine prochaine ? » dit lady Langdale à mistriss Dareville, pendant qu'elles attendaient leurs voitures dans le vestibule de l'Opéra.
« Assurément. Tout Londres y sera, me dit-on, » répondit mistriss Dareville ; « et vous aussi, sans doute, milady ? »
« Mais je ne sais trop. S'il m'est possible, j'irai ; car lady Clonbrony y tient si fort, qu'il faudra que j'y paraisse un instant. Ils font une dépense prodigieuse en cette occasion ; Soho m'a dit que tous les appartemens seraient meublés de neuf, et avec la plus grande magnificence. »
« Comme ces Clonbrony se lancent, et de quel train ils vont ! » dit le colonel Heathcock ; « il n'y a rien de trop beau pour eux. »
« Qui sont-ils ces Clonbrony, dont il est si fort question depuis quelque temps ? » dit la duchesse de Torcaster. « Ce sont des Irlandais qui vivent hors de chez eux, je le sais ; mais comment font-ils pour soutenir cette énorme dépense ? »
« Le fils aura une fortune prodigieuse à la mort d'un certain M. Quin, » dit mistriss Dareville.
« Oui, tous les gens qui viennent d'Irlande auront une belle fortune à la mort de quelqu'un, » dit la duchesse ; « mais qu'ont-ils à-présent ? »
« Vingt mille livres sterling de rente, dit-on, » répondit mistriss Dareville.
« Dix mille, je crois : » dit lady Langdale ; « vous savez qu'en pareil cas il faut toujours en rabattre moitié. »
« Ont-ils dix mille livres sterling ? Cela se peut, » dit la duchesse ; « je ne sais rien de ce qui les concerne. Je n'ai point de connaissances parmi les Irlandais. Torcaster connaît un peu lady Clonbrony : elle s'est, je ne sais comment, emparée de lui ; mais je lui ai recommandé de ne pas me fourrer là-dedans. Très-positivement, je ne puis pour personne, encore moins pour une femme de cette espèce, étendre le cercle de mes connaissances. »
« C'est sévère de la part de votre Grâce, » dit mistriss Dareville en riant, « quand cette pauvre lady Clonbrony se démène si fort et fait tant de frais pour pénétrer dans de certaines sociétés. »