Nous ne connaissons dans l'histoire aucune catastrophe que nous puissions comparer, pour sa soudaineté, son étendue, sa puissance de destruction, à la chute de la monarchie russe. Un miracle du mal a été accompli. Satan a réussi à frapper de tous ses fléaux le Job russe. Nombreux sont ceux qui se demandent si cette catastrophe n'a pas atteint l'âme toute entière de la Russie, sans défense contre la force brutale de ses ennemis perfides, habiles, implacables. La terre a tremblé, anéantissant l'Atlantide russe, enseveli, noyé dans la fange, le sang et le poison de la corruption.
Les Russes qui ont essayé de comprendre les destinées de leur pays ont souvent comparé celui-ci à un Sphinx. Tourguénev par exemple : « On ne doit pas appliquer à la Russie les mesures de la raison ; la Russie veut qu'on ait foi en elle », écrivait Tiutcheff ; et tel était aussi le sentiment de tous les amis des Slaves. Ils ne pouvaient douter de la durée de l'empire de Russie. Pouchkine, notre merveilleux génie, écrivait ainsi sur Pétersbourg.